Sous ce terme, je
rassemble tout une part de mes travaux dont la
caractéristique commune est d’être
constitués d’éléments: des
panneaux , peints puis assemblés.
Deux types de support les distinguent :
Dans le premier cas, les toiles sont définitivement composées lors de leur assemblage. Dans le second cas, les toiles sont le résultat d’un agencement toujours provisoire, réaménageable selon le lieu, le moment, et surtout son auteur. Le processus de création est toujours en cours, et l’artiste n’est pas forcément ou uniquement le peintre ou le concepteur, c’est aussi celui qui a le dernier mot c’est à dire l’assembleur. Etant entendu que le dernier mot n’est jamais le mot de la fin.
Production à part dans ma peinture, les linges sont la part négative de mon travail, en ce sens qu’ils sont nés littéralement dans les poubelles de l’atelier. Ce sont mes monstres à moi, docteur Frankenstein de la peinture.
Depuis mes débuts en peinture j’ai pris l’habitude de nettoyer mon matériel, que ce soit en cours ou en fin de séance, avec des feuilles d’essuie-tout déchirées en deux. Nettoyage des pinceaux, des couteaux, des palettes, ce sont des milliers de ces papiers mâchurés qui finissent à la poubelle jusqu’au jour où j'ai pris conscience de la richesse plastique de ce matériau. Cela va de la simple trace, gouttes, lignes, auréoles, décalques des doigts ou de la paume essuyant, aux amas de couleur, de graisse et de résine. Je vide ma poubelle pour en sauver quelques uns, je les mets de côté. Aucune intention derrière tout ça, mais je prends l’habitude de faire sécher sur un fil avant de les stocker les éléments les plus intéressants de ces « torchons ».
C’est bien plus tard, dans une période difficile, sans matériel, que je m’essaye à travailler cette matière, redevenue pour le coup, première. Leur position naturelle, à sécher sur le fil, m’amènent à les assembler sur ce fil, par couture grossière, à composer des toiles qui évoqueront vite des linges. Comme on peut en avoir un aperçu dans la vidéo "Sur le fil" , leur exposition loin du mur met en évidence leur transparence, leur légèreté, leur ambiguïté. La vie les traverse. Il faut bien le dire, leur fragilité, leur essence, la trivialité de leur support, leur destin évidemment éphémère, sont un pied de nez à ma peinture, la revanche des taches qui s’assument.
Par ailleurs ils témoignent des mêmes caractéristiques, quant à leur enjeu esthétique, que les assemblages solides de bois peints, en plus prononcés encore. En effet, ils amènent la peinture à se risquer au delà de son support bidimensionnel. L’œuvre se trouve placée dans un champ ambigu, qui impose alors à la vue l’objet et son espace, et non plus seulement la peinture. C’est important cette question, parce que je crois que les champs d’action de l’artiste, quoi qu’on puisse en dire, gagnent à être spécifiés, explicités.
Avec les figures, j’espère atteindre la mise en exergue d’une architecture par laquelle le fond devient la forme ; cette forme, la découpe que prend l’assemblage, dépendant complètement de l’agencement intérieur des textures peintes. Et dans cette quasi disparition du fond au profit de la forme, l’espace environnant prend une autre importance. C’est ce que le sculpteur éprouve naturellement dans son art.
Avec les linges, le glissement est achevé. En même temps que ce que j’évoque pour les figures s’accomplit, la toile se libère de sa surface en en trouvant deux, et, en, ce sens elle acquière définitivement un autre statut, celui de sculpture.
Voilà une double renaissance, du déchet à l’œuvre, du peintre au sculpteur, ce qui me faisait évoquer plus haut une certaine filiation avec le monstre couturé de Frankenstein.
Ensemble de 10 assemblages polyptyques, 10 figures, qui trouvent leur achèvement dans la Figure qu’elles dessinent.
Peinte sur panneaux de bois entoilés et enduits de 40cm x 32cm, chaque figure est avant tout une collection de peintures, dont voici les principes de composition.
Chaque collection a été peinte en respectant deux lois d’unité :
Par exemple, les rayures des six panneaux de la figure AP06 (AP, pour assemblage polyptyque, suivi du nombre d’éléments composant la figure), forment entre elles des angles de 360/6=60 degrés. Ainsi chaque figure est définie par sa palette et son hachage, et un élément d’une figure ne peut remplacer un élément d’une autre figure.
Pour compliquer les choses, une collection pourra être augmentée d’un panneau noir. Ce panneau, comme un mouton noir, contredit les définitions données plus haut : il est hors palette, non rayé, et peut s’échanger d’une collection à l’autre (dans cette configuration, augmenté d’un panneau noir, la codification de la figure AP06 devient AP06+N).
En résumé, une figure est un système d’éléments unis par leur humeur colorée et leur relation spatiale, ce système pouvant graviter autour d’un « trou » noir.
Chaque figure est indépendante et a sa vie propre. Elle peut renaître chaque fois que le désir s’en fait sentir, par un ré-agencement de ses éléments vers un nouvel état d’équilibre, une nouvelle figure.
Mais chaque figure trouve une dimension supplémentaire lorsqu’elle se voit associée aux autres figures.
En effet, prises ensemble, les figures, systèmes homogènes et colorés décrits ci-dessus, de par leurs multiples possibilités d’agencement interne, deviennent alors les Constellations d’un Ciel qu’elles dépeignent et définissent, et qui les réunit. Elles deviennent la Figure de ce Ciel.
Une première série de figures a été présentée pour la première (et unique) fois aux Moulins de Villancourt lors de l’édition 2003 de la manifestation «Jeunes créations ». A cette époque, il n’existait que 6 figures, de AP06+N à AP11+N. Il s’agissait donc de la première occasion pour moi d’assembler ces figures, autrement dit de dessiner les Constellations d’un Ciel dont l’actualité a fourni la matière. Nous étions en mars 2003, nous vivions alors à l’heure de la déclaration de guerre contre l’Irak et les émotions qu’elle suscitait partout dans le monde étaient intenses. Mars était indubitablement l’instance qui structurait notre ciel, ou la « figure » qui le traversait. Il imprimait naturellement cette aventure créatrice, logiquement présentée sous le titre « les figures de Mars ». Ceci est l’exemple type de ce que j’appelle un Ciel.
Sur la nature de ce Ciel, il y a bien sûr matière à questionnement. Quel peut être ainsi le Ciel d’une classe d’enfants (ou d’étudiants, ou d’adultes…) ? Quelles sont les figures mythiques qui le constellent ? Quels symboles seraient alors élaborés pour traduire les abstractions dont l’entrelacs compose cette voûte céleste imaginaire ?
Voilà un peu le cœur du jeu que je propose avec « Figures », les figures d’une abstraction.
Projet en cours d’élaboration, B est une œuvre peinte aux contours délibérément indéfinis et fluctuants, en constant devenir.
Cette œuvre sera comme précédemment constituée d'un assemblage de panneaux de 40cm x 32cm. Ces panneaux seront choisis dans une base, un stock, par des constructeurs. Ceux-ci auront la charge d’élaborer, de construire, un quartier de l’œuvre, comme un quartier d’une ville ou un chapitre d’un livre, que d’autres constructeurs viendront ensuite compléter avec de nouveaux quartiers, de nouveaux chapitres.
B comme brique, mais surtout comme l'initiale de personnes sans lesquelles je ne serais peut-être plus de ce monde, B est un hymne à la création, un hymne à la vie et à son partage.
Ouvrage de longue haleine, B recouvre plusieurs temps.
La « fabrication » des éléments - des briques – de cette construction à venir et encore non définie a déjà commencé. Sans trop savoir où j’allais, j’ai dessiné une sorte de brique de base, simple, qui doit permettre un grand nombre de variétés de formes et de couleurs. A titre expérimental, une quarantaine de briques a déjà été réalisée et je m’apprête à lancer une nouvelle série en « fabrication ». Chaque brique sera unique, signée, numérotée. Je suis le peintre « briqueteur » de cette phase, mais rien n’interdit de penser que d’autres puissent le devenir soit en parallèle, soit en remplacement.
L’importance de cette opération est à prendre en compte. En effet le projet repose sur l’hypothèse d’un grand nombre de briques. Cette quantité permettra à l’œuvre de se dérouler progressivement avec toujours une grande variété de choix dans la forme et la couleur.
Chaque brique sera photographiée, caractérisée et identifiée dans une base de donnée informatique. Celle-ci facilitera l’organisation du stockage physique des panneaux, mais surtout elle sera un outil indispensable à la réalisation de la construction.
C’est un travail de peintre. En fait, il s’agit de peindre à partir d’une palette - le stock de briques. Le choix des matériaux et la conception de l’œuvre se font virtuellement à partir de la base de données.
Les outils informatiques propres à cette phase sont en cours d’élaboration. Ils reposent en partie sur ceux déjà développés pour la manipulation des figures, mais les problèmes liés au grand nombre de briques et à leur choix dans un stock rendent cette élaboration plus complexe.
Les constructeurs auront à rêver leur ville, mais n’agiront que sur leur quartier. Ils recevront une oeuvre en cours qu’ils poursuivront avant de la léguer à leurs successeurs. Les modalités et limites de leur action (nombre de briques, espace, choix total ou restreint dans le stock…) sont encore à définir.
Simple assemblage dans l’espace qui accueillera ce projet, elle sera, pour des raisons pratiques, sans doute confiée à un ou des techniciens.
Une visite de chantier par les constructeurs sera nécessaire pour permettre de possibles réajustements avant la réception définitive de la réalisation du quartier.
Il est intéressant de penser cette phase de transmission, par les constructeurs à leurs héritiers – les nouveaux constructeurs - ainsi qu'à l’organisateur du projet, comme étant le cœur même de cette œuvre, sa raison d’être. On peut tout imaginer pour cette occasion, qui contribuerait à faire de ce passage un moment intense et festif de création et d’échange : concert, spectacle, débat…
Les contraintes d’un tel projet sont évidemment très lourdes. Les dimensions de l’espace et son immobilisation pendant une durée suffisamment longue pour permettre à l’aventure d’aller au fond d’elle même en constituent les limites.
Mais de tels espaces existent, qui, alliés à un agencement du projet suffisamment longtemps en avance, pourraient en autoriser la réalisation. Les enjeux humain, artistique, éducatif et pédagogique d’un tel projet me semblent en justifier l’investissement.